On s’en doutait depuis près de deux ans: le Québec n’est plus dans la mire électorale des conservateurs. Mais, avec le dernier remaniement ministériel, il ne s’en fait plus aucun doute.
Aux dernières élections fédérales, les Québécois avaient décidé, une fois de plus, de bouder les conservateurs en leur accordant un maigre 16% d’appui, envoyant ainsi un caucus québécois de seulement cinq députés à Ottawa. Depuis, la communication du gouvernement fédéral avec les électeurs du Québec s’est grandement détériorée, faisant fondre de plus belle leur soutien électoral, le faisant passer de 16% en 2011 à 8% en juin 2013.
Les chances d’un caucus québécois renforcé aux prochaines élections fédérales sont désormais pratiquement nulles avec de telles intentions de vote. Les conservateurs l’ont bien compris, pour conserver le pouvoir, ils devront concentrer leur attention sur ce qui se passe à l’ouest de la rivière des Outaouais.
Huit nouveaux visages ont fait leur entrée au sein du cabinet de Stephen Harper: quatre députés ontariens, deux Albertains et deux députées manitobaines. Ces deux dernières, Shelly Glover, nommée ministre du Patrimoine et des Langues officielles, et Candice Bergen, nommée ministre d’État au Développement social, sont d’ailleurs déjà connues dans le milieu journalistique québécois pour leurs prises de position.
La première, pour avoir voté contre le projet de loi C-232, présenté par le député néo-démocrate Yvon Godin et visant à faire du bilinguisme un critère de sélection des juges à la Cour Suprême du Canada, alors qu’elle était secrétaire parlementaire au ministre des Langues officielle.
La seconde, pour avoir été la première à présenter un projet de loi réclamant sans succès l’abrogation du registre des armes à feu. Puis, pour avoir récidivé en 2011 avec le projet de loi C-19: elle met finalement un terme au registre des armes à feu, alors que près de 74% des Québécois se disent en faveur de son maintien.
Quant au Québec, celui-ci a perdu son dernier portefeuille à vocation principalement économique: les Transports. Ainsi, Denis Lebel, ancien responsable de ce ministère, s’est vu amputé de son principal ministère quelques jours seulement après la tragédie de Lac-Mégantic, pendant laquelle le ministre fut très fortement critiqué par les médias québécois en ce qui concerne la gestion du dossier. Le ministre Lebel n’aura pas su répondre aux inquiétudes et aux questionnements soulevés par la tragédie.
Toutefois, le plus surprenant reste la décision du gouvernement canadien de nommer à la tête de ce ministère une unilingue anglophone afin de gérer les suites du dossier. De plus, le député conservateur de la région de Lac-Mégantic, Christian Paradis, passe du ministère de l’Industrie à celui du Développement international, lui-même amputé récemment de l’Agence de développement économique internationale.
Seul Steven Blaney se voit promu, passant du ministère des Anciens Combattants à celui de la Sécurité publique. Un choix étonnant, étant donné sa qualité d’ingénieur spécialisé en environnement. Quant aux deux autres députés québécois Maxime Bernier et Jacques Gourde, ceux-ci font du surplace.
Le Québec n’est donc plus dans la mire du gouvernement conservateur. Après une année particulièrement mauvaise, les conservateurs ont entrepris une réorganisation politique en concentrant tous leurs efforts sur l’Ouest canadien, nouvelle clé du 24 Sussex.
Cette réorientation n’est pas anodine, comme ont cherché à laisser croire les partis d’opposition cette semaine, mais elle ne sera pas suffisante pour emporter les prochaines élections. En effet, le futur congrès des conservateurs, reporté en raison des inondations à Calgary, sera déterminant pour l’avenir du parti.
Après avoir réussi à rallier les troupes conservatrices, en débâcle depuis la chute du Parti progressiste-conservateur, Harper a assuré un nouvel avenir au conservatisme canadien. Toutefois, après sept ans de pouvoir, Stephen Harper semble déjà en panne… de quoi? De programme. Comme si les grandes réformes qu’il souhaitait entreprendre avaient été faites.
Ce que nécessite donc le parti conservateur n’est pas seulement un remaniement ministériel, mais un nouveau souffle. La simple gestion comptable d’un gouvernement n’est pas suffisante pour assurer une réélection. Les idées restent cruciales en politique; sans quoi, la démocratie perdrait de son utilité.
Dès lors, le prochain congrès sera l’occasion de réorienter le parti, de raffiner son idéologie et de renouveler leur vision du Canada à partir de ce qu’ils ont déjà établi. Mais, par dessus-tout, afin d’assurer un avenir viable au conservatisme canadien, d’après Harper. Un avenir qui semblera se faire sans le Québec.
- Pier Alexandre Lemaire
(Image à la une: xddorox, Flickr, Creative Commons)
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