Après le fiasco du dernier sommet de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) en juillet 2012, les pays membres avaient ce mois-ci la pression de rendre leur réunion productive. Le principal objectif du sommet du mois de novembre était la signature d’un accord sur les droits de l’Homme, mais les conflits territoriaux entre la Chine et certains membres de l’association sont de nouveau venus s’immiscer dans les négociations.
Du 18 au 20 novembre, les dix pays membres de l’ASEAN se sont réunis à Phnom Penh accompagnés des Etats-Unis lors d’une conférence présidée par le Premier ministre cambodgien Hun Sen sous le thème “Une Communauté, Un Destin”. Mais, dès que la question de la Mer de Chine du Sud a été amenée sur la table des négociations, la Communauté s’est rapidement désunie. En effet, les pays de l’ASEAN se divisent sur cette question en deux groupes rivaux, incapables de trouver une solution acceptable pour les deux camps.
Lorsque le Cambodge a pris la parole et a annoncé que l’ASEAN avait décidé de “ne pas internationaliser la Mer de Chine du Sud à l’avenir” allant ainsi dans la direction de leur allié chinois, les Philippines ont alors aussitôt protesté en faisant savoir « Que ce soit clair, ce n’était pas notre manière de voir les choses. La route de l’ASEAN n’est pas la seule route pour nous. En tant qu’Etat souverain, c’est notre droit de défendre nos intérêts nationaux ».
Alors que la Chine souhaite régler ce conflit bilatéralement, le Japon, le Vietnam et les Philippines, trois alliés des Etats-Unis, souhaitent que ce sujet soit débattu par la communauté internationale, le conflit pouvant avoir des répercussions directes sur la libre circulation navale dans cette région. Hilary Clinton avait en effet déclaré en juillet dernier que « Des sujets comme la liberté de navigation et l’exploitation licite des ressources maritimes impliquent souvent une vaste région et les aborder strictement de manière bilatérale peut mener à la confusion, voire à la confrontation ».
Alors que l’ASEAN a déclaré qu’elle « ne prendrait parti ni pour l’une ni pour l’autre des deux puissances », la Chine et les Etats-Unis usent clairement tous deux de leur influence sur certains pays asiatiques pour s’immiscer dans le conflit. Les deux pays y trouvent des intérêts stratégiques: les hydrocarbures pour la Chine et la poursuite de la stratégie ‘Pivot en Asie’ par l’administration Obama.
Dans le communiqué final de la conférence, l’application de la déclaration de 2002 sur la Conduite des Pays en Mer de Chine du Nord est mentionnée, ainsi que la mise en place prochainement d’un Code de Conduite Régional en Mer de Chine du Sud. Le Président philippin appelle lui aussi de leur côté les pays impliqués dans le conflit (Brunei, Malaisie, Philippines et Vietnam) à se réunir prochainement.
Alors que les conflits territoriaux laissent un goût amer à cette conférence, un point positif doit être souligné: l’adoption par l’ASEAN de leur propre Déclaration des Droits de l’Homme. Mais cette Déclaration ne convainc pas la communauté internationale. Selon le sous-directeur du bureau Asie de l’association Human Rights Watch, la déclaration “ne répond pas aux standards internationaux mais, au contraire, crée de nouvelles échappatoires que les Etats de l’ASEAN peuvent utiliser pour limiter les droits de leur population”. La déclaration ne contient qu’une quarantaine d’articles très vagues qui, de plus, ne sont en rien obligatoires. Une fois de plus, la souveraineté nationale prônée par les pays de l’ASEAN met des bâtons dans les roues à la légitimité de la l’Association.
Cette déclaration arrive au moment où le Président Obama avait réitéré ses demandes auprès du Premier ministre cambodgien – sa présidence de l’ASEAN est d’ailleurs contestée – de tenir des élections justes et de relâcher les nombreux prisonniers politiques du pays (l’ONG Human Rights Watch déplore des centaines d’assassinats politiques depuis le début des années 1990).
L’ASEAN a encore du pain sur la planche pour parvenir à l’idée d’ “Une Communauté, Un Destin”. Ses efforts ne suffisent pas à satisfaire les attentes internationales concernant les Droits de l’Homme. Les prochains mois nous confirmera (ou pas) la direction commune prise par l’ASEAN sur les plans politique et économique. Lorsque le conflit en Mer de Chine du Sud sera résolu, alors seulement les pays pourront se concentrer sur leur objectif de communauté économique intégrée d’ici à 2015.
- Louise Duflot
(Image à la une: par PhOtOnQuAnTiQuE, Flickr, Creative Commons)
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