A l’approche des élections, le Premier ministre malaisien essaye de consolider son pouvoir en créant une nouvelle organisation internationale, similaire au Mouvement des non-alignés.
Lassés d’être impliqués dans une guerre qui n’était pas la leur, les pays du Tiers-monde – comme on les dénomme à l’époque – se regroupent afin de mettre fin à l’incessant interventionnisme des pays des deux blocs et forment le Mouvement des non-alignés dans les années 1970.
Bien que ce mouvement existe toujours, il semblerait qu’il ait trouvé un successeur. C’est en septembre 2010, lors de l’Assemblée générale aux Nations Unies, que l’on en entend parler pour la première fois: Najib Razak, Premier ministre de la Malaisie depuis 2009, lançait le Mouvement Global des Modérés (MGM), organisation internationale et multilatérale, auquel il donnait l’objectif de coopérer avec, voire de remplacer, le Mouvement des non-alignés.
Les idées fondatrices du MGM ont été dévoilées au fur et à mesure que ce projet d’envergure se précisait. Nombre d’entre elles sont partagés par la plupart des organisations internationales : coexistence pacifique, prépondérance de la loi, éducation de meilleure qualité, plus de transparence dans les domaines économiques et financiers ainsi que la résolution de conflits. Toutefois, le MGM met en particulier l’accent sur l’idéal de « modération », un terme ne bénéficiant pas toujours d’une telle attention.
A travers ses nombreux discours, Najib Razak tente d’incarner les idées du MGM. Il dénonce régulièrement les actes de Wall Street, notamment les subprimes qui ont causées la crise financière la plus récente. Il promeut la démocratie très ouvertement, comme quand il a félicité son voisin du nord, le Myanmar, où le gouvernement est lentement mais sûrement en train de se démocratiser.
De plus, selon M. Razak, la nécessité d’une nouvelle organisation prônant la modération coïncide avec l’émergence d’une nouvelle ère dans les relations internationales, dans laquelle le danger n’émane plus des autres nations mais de mouvements extrémistes transnationaux.
Depuis les évènements du 11 septembre, la religion musulmane a trop souvent été associée au terme « extrémiste ». Le fait que l’idée d’un mouvement « modéré » soit (ré)émise par la Malaisie, un pays dans lequel l’Islam est la religion majoritaire (60% de la population le pratique), est donc un geste fort.
A noter toutefois que la Malaisie est dotée d’un régime semi-démocratique: le même parti politique, l’UMNO (Organisation nationale unifiée malaise), détient le pouvoir depuis 1957 malgré l’avancée rapide des partis opposants. La loi sur la Sécurité Intérieure, qui accordait au pouvoir exécutif le droit d’emprisonner quiconque sans jugement, est également un obstacle majeur à la prise au sérieux des déclarations du Premier ministre malaisien, d’autant plus qu’elle a été utilisée pour emprisonner de nombreux chefs de partis opposants, comme le plus fameux, Anwar Ibrahim, emprisonné en 2000 pour sodomie. Le remplacement récent de cette loi par la quasi-identique « Security Offenses Act » n’a pas fait illusion auprès de la population, qui a réagit par de violentes manifestations cet été qui ont réuni plus de 100 000 personnes dans les rues de Kuala Lumpur.
La création du MGM peut faire penser que la Malaisie vit un tournant historique, marqué par une ouverture à l’international et un assouplissement de la politique interne. Néanmoins, les manipulations électorales, la censure de la presse, l’oppression des peuples indigènes du Sabah et Sarawak (habitant l’île de Bornéo) ainsi que les conditions de vie difficiles des travailleurs immigrés sont des problèmes qui restent à être adressés. De façon plus réaliste, la création de cette organisation peut être interprétée comme étant une simple opération de communication du Premier ministre sous la pression de la rue.
-Géraldine Villeroux
(Image à la une: par xave, Flickr, Creative Commons)
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