La colère éveillée dans la semaine du 11 septembre dans les pays musulmans à l’égard du film islamophobe américain a repris de plus belle le 19 septembre, à la suite de la publication de caricatures du prophète Mahomet par l’hebdomadaire français Charlie Hebdo.
Plusieurs centaines de milliers de musulmans ont participé à ces protestations dans l’indignation, qualifiant ces publications de blasphématoires, outrageantes et sacrilèges. L’emportement violent de certaines de ces foules a engendré des émeutes meurtrières qui ont coûté la vie à une centaine de manifestants, ainsi qu’à l’ambassadeur américain en Libye Christopher Stevens et trois de ses agents de sécurité, assassinés par ceux-ci.
En effet, en vue d’exprimer leur fort mécontentement, ces mouvements protestataires s’en sont pris aux ambassades des États-Unis d’abord, puis de France. Ils sont même allés jusqu’à s’en prendre à une école (en Libye) et à des restaurants de fast-food américains (au Liban), le tout sans oublier la bannière étoilée brûlée à maintes reprises. Des centaines de soldats sont déployés devant ces ambassades, à présent en mode « sécurité renforcée ». Les écoles ont été fermées, et les expatriés sur place appelés à la vigilance, et ce dans une vingtaine de pays arabo-musulmans.
Même certains musulmans en France ont souhaité exprimer leur opposition en se regroupant devant l’ambassade américaine à Paris. Le Conseil français du culte musulman (CFCM), tout en estimant ces parutions « insultantes à l’égard de l’islam », appelle les musulmans à ne pas céder à la provocation. D’autres sont moins indulgents, comme un ministre pakistanais Ghulam Ahmed Bilour qui promet la somme de « 100 000$ à celui qui tuera [le réalisateur du film islamophobe Innocence of Muslims], ce blasphémateur qui a outragé le saint prophète ».
Que de telles tensions naissent à partir de la publication d’un film et d’un article de journal relance la question de l’universalité et l’incontestabilité du droit à la liberté d’expression (article 19 de la Déclaration des droits de l’homme), lorsqu’il s’agit d’une atteinte au sacré.
En effet, ce n’est pas la première fois (ni sans doute la dernière) que l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo cause la controverse sur ce sujet. Ses caricatures et ses articles qui tournent l’actualité en dérision sont la marque de commerce du journal. Déjà en 2007, ses dessins ridiculisant le prophète Mahomet lui avaient valu d’être poursuivi par la Grande Mosquée de Paris, l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) et la ligue islamique mondiale (ce procès avait abouti à la relaxe). C’est donc en toute connaissance de cause que les rédacteurs ont osé rejouer la carte de la provocation. Les avis varient face à ces incidents : certains admirent le courage des journalistes, d’autres dénoncent une immature recherche d’attention, ou encore, un coup de pub.
Par ailleurs, le film anti-islam au réalisateur à l’identité douteuse et au public inexistant n’honore pas l’article 19 de la Déclaration des Droits de l’homme par sa pertinence. Cette production amateur n’a d’autre but que d’inciter le mépris à l’égard de la religion musulmane, et a de fait été condamnée par le gouvernement américain.
Au Nigeria, Mohammed Turi, dirigeant d’une manifestation contre cette production, a appelé le samedi 22 septembre le gouvernement américain à « stopper d’autres blasphèmes contre l’islam ». Cependant, les auteurs de ce long métrage et des caricatures n’ont pas été sanctionnés par les autorités judiciaires françaises et états-uniens, qui respectent le droit à la liberté d’expression, même si ces derniers n’approuvent pas forcément les messages exprimés. En effet, l’application de ce droit implique le désengagement du pays et de sa population dans toute proclamation d’opinion par un de ses citoyens, à l’exception d’une invitation à la violence.
En bref, à qui la faute ? À l’excessif laxisme des sociétés française et américaine ou à l’extrême susceptibilité de certaines communautés musulmanes à travers le monde ?
- Anne-Hélène Mai
(Image à la une: Dreamwhile, Flickr, Creative Commons)
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