« François Hollande veut moins de riches; moi, je veux moins de pauvres »: cette phrase prononcée par Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle de 2012, quoique caricaturale, était annonciatrice du malaise ressenti par les Français les plus riches après plusieurs mois du quinquennat du nouveau Président de la République.
Confrontés à une montée du chômage (qui dépasse allègrement les 10%) et à des perspectives économiques moroses (on prévoit 0,1% de croissance pour l’année 2013), leurs compatriotes moins fortunés sont de plus en plus nombreux à critiquer les possesseurs de magnifiques appartements dans le VIIIème arrondissement de Paris ou de comptes en banque trop rondelets.
Les années Sarkozy, marquées par une proximité non dissimulée entre les hautes sphères du pouvoir avec certains actionnaires majoritaires des entreprises du CAC 40, restent également présentes dans les mémoires, et contribuent à la construction d’une image péjorative des riches: la richesse est perçue comme quelque chose de suspect, ou même de malhonnête.
Dans ce climat défavorable, les nantis sont exposés à de véritables sanctions en matière fiscale. Les taxes sur les plus gros patrimoines ont été fortement augmentées pour 2013. L’Impôt sur la fortune, allégé par Nicolas Sarkozy, devait être considérablement alourdi; le Conseil constitutionnel, dans une décision inhabituelle, a censuré ce projet, mais le gouvernement travaille déjà à contourner cet obstacle pour 2014. Plusieurs personnalités publiques, telles que Serge Dassault, le député UMP et industriel dans le secteur de l’armement, voient dans l’accumulation des différentes taxes un véritable acharnement fiscal, et dénoncent leur caractère « confiscatoire ».
Ces protestations paraissent légitimes, au moins pour les quelques milliers de personnes au patrimoine important – mais aux revenus modérés – qui paient parfois plus de 85% d’impôts. L’opportunité économique de ces mesures est également remise en question, étant donné que les taxes supplémentaires ne rapportent finalement pas beaucoup d’argent dans les caisses de l’État, et pourraient en revanche décourager l’installation de nouveaux investisseurs en France – ou provoquer leur départ – dans un contexte où la relance de la croissance devrait être une priorité.
Les récents exils fiscaux vers la Belgique, comme celui de Bernard Arnault, le patron du groupe spécialisé dans l’industrie du luxe LVMH, ou celui, spectaculaire, de l’acteur Gérard Depardieu, accentuent la défiance ressentie vis-à-vis des Français fortunés. Une véritable chasse aux sorcières vise les personnes soupçonnées de vouloir déserter la patrie pour mieux gérer leurs avoirs. Dans un élan populiste, un député socialiste a même brièvement proposé de déchoir de nationalité ces renégats, une mesure en contradiction totale avec le droit international.
De façon plus pragmatique, des mesures ont été annoncées pour diminuer les avantages que bénéficient les Français habitant en Suisse, un pays renommé autant pour ses imposants paysages montagnards que pour la légèreté de ses impôts. Le Royaume-Uni est une autre destination en vogue; le gouvernement français, hanté par la possibilité d’une multiplication des départs, a d’ailleurs peu apprécié que David Cameron ait invité les Français mécontents à y émigrer.
Faiblesse économique, débat autour des impositions, exil fiscal: autant de facteurs qui contribuent à alimenter une fracture séparant la population générale de sa fraction la plus riche. Au lieu de les inciter à jouer un rôle actif dans la sortie de la crise économique, et d’apaiser les tensions stériles qui les opposent à leurs compatriotes, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault stigmatise les Français fortunés aggravant ainsi la situation socio-économique du pays.
- Théo Bourrelier
(Image à la une: par Patrick Peccatte, Creative Commons, Flickr)
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