Le conflit syrien s’enlise. Né en 2011 du vent protestataire insufflé par les printemps égyptiens et tunisiens, la guerre civile est, en 2013, toujours aussi intense. Bachar el-Assad ne lâche rien, les victimes (100 000 selon l’ONU) et réfugiés se multiplient: plus de six millions de Syriens déplacés au sein ou à l’extérieur du pays.
La répression à laquelle se livre le dictateur est particulièrement vive. En août 2013, elle soulève l’indignation internationale quand l’utilisation d’armes chimiques par le régime semble être avérée. Poussée par la violence de la répression du régime, la communauté internationale débâtait déjà timidement de la possibilité d’une intervention depuis des mois (ou plutôt des raisons pour lesquelles elle ne souhaitait pas s’engager). L’opposition totale et inébranlable de la Russie, la complexité d’une intervention dans une région fortement instable, ainsi que le caractère morcelé de l’opposition au régime, rendaient une action militaire ni alléchante, ni aisée. Pourtant, elle reste une nécessité; tant pour l’image des puissances occidentales que pour leur propre sécurité et celle des pays de la région.
Les puissances occidentales auront perdu une chose dans le conflit syrien: leur crédibilité à l’international. Les atermoiements des pays occidentaux quant à une intervention en Syrie en sont une première illustration. Si l’utilisation d’armes de destruction massive est qualifiée de « ligne rouge » par le président américain dès août 2012, une fois cette « ligne » franchie, les déclarations se sont faites plus nombreuses que les actes.
La fière détermination américaine (ou plutôt « obamanienne ») par rapport à la nécessité d’une expédition punitive envers le régime, s’est vite évanouie. L’immense soulagement américain lors de la proposition russe de démantèlement de l’arsenal chimique syrien était palpable; elle permettait avant tout d’éviter une intervention très impopulaire dans l’opinion publique américaine. Le soulagement fut tel que les Etats-Unis eurent peu à cœur d’ajouter à l’accord des amendements considérant la possibilité où lui-même ne serait pas respecté (des sanctions militaires par exemple). De telles mesures seront sans doute adoptées dans le cas du non-respect de la résolution, mais le simple fait qu’elles ne figurent pas dans l’accord témoigne d’une faiblesse diplomatique américaine.
Cependant plus que ces hésitations - sans doute légitimes lorsqu’il s’agit de s’engager dans un conflit armé -, c’est le non-respect des normes et des institutions à la base de l’ordre mondial qui sont à l’origine de la perte de crédibilité de l’Occident et de ses valeurs. La prohibition de l’usage d’armes de destruction massive est, de fait, édifiée comme la norme absolue par les Nations Unies; norme que défendent ardemment les Etats-Unis et ses alliés, car cette norme et son maintien ont des enjeux majeurs pour la sécurité internationale. Cette norme est, par l’action du régime syrien, brisée. D’où son maintien, par l’inaction des régimes occidentaux, précaire. Cet échec survient au plus mauvais moment pour l’Occident: alors que l’avenir du programme nucléaire iranien reste incertain, la menace d’intervention armée en réponse à l’usage d’armes de destructions massives perd son statut d’instrument de dissuasion.
De plus, la passivité des puissances étrangères face à l’enlisement du conflit a permis un morcellement et un durcissement de l’opposition syrienne. Les groupuscules islamistes, parfois soutenus par le Hezbollah, se multiplient et on assiste à une forte radicalisation islamiste qui s’étend à toute la région. Cette radicalisation n’est pas sans se faire sur la base d’une rhétorique fréquemment anti-occidentale. Le durcissement des mouvements nationalistes kurdes laissent à craindre des retombées sur la Turquie dont la population kurde (près de 20% de la population turque) connaît le rejet de ses revendications nationalistes historiques.
Le conflit en Syrie est dans l’impasse. Après de telles exactions, le régime syrien actuel ne regagnera pas la stabilité dont il bénéficiait avant la révolte de 2011. Cependant le régime actuel, avec une armée largement fidèle à son président, possède les moyens nécessaires à son maintien. Seule une intervention étrangère permettrait de faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Or, une telle intervention ne peut plus compter sur le soutien d’une opposition syrienne, qui est divisée et radicalisée. Pour les puissances étrangères, il s’agit d’accomplir la difficile tâche de faire tomber le régime sans recourir à ses opposants.
- Solène Coma
(Image à la une: james_gordon_losangeles, Flickr, Creative Commons)
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