Si la France avait la cote pendant l’entre-deux guerres et les Trente Glorieuses, en 2013, elle n’est plus un très grand pays d’immigration. La réalité d’une France en tant que terre d’immigration est révolue, comme le souligne le Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration (SGII) qui relève une « relative faiblesse des flux entrants ». Par ailleurs, un document déclassifié du SGII illustre ce constat en rappelant, qu’en 2012, 110 000 entrées furent recensées en France contre 200 000 au Royaume-Uni et 400 000 en Espagne.
En plus d’être en perte de vitesse quant à l’attraction de nouveaux résidents, la France perd à un rythme soutenu ses propres concitoyens. Peu importent les ritournelles des actuels locataires de l’Élysée, les Français s’exilent loin de leurs frontières souhaitant échapper à l’atmosphère maniaco-dépressive de l’hexagone, au mépris de la réussite et au racket fiscal.
Force est de constater que d’une terre d’immigration, la France devient progressivement un port d’émigration.
Le malaise métropolitain
« Casse-toi riche con! » avait titré la Une de Libération en apprenant que Bernard Arnault, première fortune française, avait l’intention de devenir citoyen belge en septembre 2012. Le titre de la Une révèle ô combien partir est mal vu dans un pays qui a traditionnellement été une « terre d’accueil et d’asile » (Jacques Chirac). Pourtant, Bernard Arnault ouvrait la porte à d’autres, tel Gérard Depardieu, que Jean-Marc Ayrault s’empressa de qualifier de « minable ». En parallèle, Paris accuse un exil fiscal d’une ampleur inédite même si Bercy claironne à qui veut l’entendre: « Non, vraiment non, il n’y en a pas plus qu’avant. Vous en connaissez, vous, des gens qui partent? ».
Vivre en France: un frein
Les expatriés de longue date avouent qu’ils ne désirent pas rentrer dans un pays qui ne s’aime pas lui-même et qui est déprimé. Selon un sondage Mondissimo en 2013, 40% des Français travaillant à l’étranger ne veulent pas revenir en France et principalement parce que 82% d’entre eux attendent d’abord un changement de mentalité et un nouveau climat fiscal, social et politique.
Quant aux “cons” et aux “minables”, aujourd’hui, ils se cachent moins, parlent et osent donner les raisons qui les ont poussés, et qui les poussent encore, à partir. Encouragés par l’accumulation des couacs du gouvernement, par l’instabilité fiscale et par le scandale de l’affaire Cahuzac, les langues des exilés se délient.
Bernard Charlès, directeur du premier groupe informatique français, Dassault Systèmes, a expliqué qu’il prévoyait un exil fiscal, car « résider en France devient lourdement handicapant ». De même, un député millionnaire siégeant à gauche de l’hémicycle, Thierry Robert, s’est exclamé sur RTL: « Si on continue à ne pas encourager l’investissement et le développement, j’en aurai marre de payer tout le temps et je pourrais quitter la France! »
À l’international, être français est d’autant plus handicapant lorsque certains chefs d’entreprise tentent de recruter des salariés de haut niveau à l’étranger. C’est ce que déplore Bernard Arnault dans les colonnes du Monde en exposant son mal-être d’entrepreneur dans un pays où « on aime bien les footballeurs, pas les chefs d’entreprise ».
Et c’est peu dire, les entreprises ont véritablement de quoi faire grise mine: taxe à 75%, alourdissement de l’Impôt sur la fortune, loi encadrant les salaires des patrons privés, la cure d’amaigrissement des allocations familiales des classes aisées… la liste est longue!
Le gouvernement français cherche-t-il à attiser la défiance sociale en trouvant dans les classes aisées le bouc émissaire de la crise que subit le pays? C’est un peu ce que l’on peut ressentir en mesurant l’acharnement avec lequel s’est battu la majorité pour rendre public le patrimoine des élus. Être honnête ne suffit plus, être pauvre semble devenir la règle.
Cette ambiance moribonde n’aura pas échappé aux contribuables français, qui sont alors pris pour des vaches à lait et qui n’hésitent plus à prendre la poudre d’escampette. Officiellement, chaque année, 800 à 1000 foyers désertent la France afin de payer moins d’impôts.
Manque de reconnaissance, pessimisme et tutti quanti…
Alexandre Perrot, Français vivant et travaillant à New York depuis un an, livre son expérience dans les colonnes du Figaro où il révèle s’être battu pour partir dans la métropole américaine afin de participer au développement de la société dans laquelle il est embauché. La raison du départ: Alexandre Perrot déplorait que la France soit « un système trop sécurisé », qui « ne valorise et ne stimule pas les jeunes actifs ». Il apprécie la flexibilité du marché du travail américain: « ici, on peut se faire virer du jour au lendemain, mais du coup les opportunités pleuvent. »
La mentalité française ne lui manque pas et en particulier l’agressivité dans les rapports: « on dirait que les gens sont payés pour être désagréables et surtout ne pas vous rendre service, dit-il. Les gens aux Etats-Unis sont tellement plus aimables, souriants et compréhensifs. »
Quant à Thierry, financier installé à Londres avec toute sa famille, il confie qu’il ne supportait plus d’entendre les politiques jeter la pierre aux gens qui réussissent et qui ne contribueraient pas à l’effort national, alors que ces mêmes personnes sont les premières à mettre la main à la poche. Il ne regrette pas d’avoir quitté un pays où aucun effort n’est fait du côté des dépenses publiques, où l’entreprenariat est grandement défavorisé, où la division et le pessimisme enfoncent de plus en plus le pays dans le déclin.
Dévalorisé, déprimé et sans solution nouvelle, le pays se referme sur lui, n’avance plus. Peinant à sortir de la crise, vue de l’étranger, la France apparaît sous un jour très noir. Comment, dans une telle atmosphère, résister à l’appel du large, à l’appel du dynamisme des pays émergents, de l’Amérique, de l’Asie ou de la Scandinavie? Et c’est ainsi que la France voit son avenir gravement menacé en perdant toute ses forces vitales, ses capitaux, et pire encore – sa jeunesse.
- Nicolas Ternisien
(Image à la une: par cyberien 94, Flickr, Creative Commons)
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On peut rajouter que les français jeunes (20-30 ans) sont dans une situation économique peu enviable (fort taux de chomage, stages non payés), et que beaucoup d’entre eux cherchent à s’expatrier pour trouver de meilleures opportunités d’emploi (notamment au Québec).